Grippe aviaire, chronique d’une mort annoncée

Le virus influenza aviaire sème la terreur chez les éleveurs de volailles ! Pendus aux décisions gouvernementales, les petits éleveurs Deux-Sévriens subissent cette crise de plein fouet. Aurélie Piot, volaillière à Mazières-en-Gâtine témoigne de son quotidien.

Tout a commencé…

Installée avec son mari Arnaud, Aurélie Piot exerce avec passion son métier d’éleveuse de volailles depuis une dizaine d’années. « Aujourd’hui, notre projet de vie est remis en question ; la grippe aviaire nous amène à réfléchir sur notre avenir ». Après un premier cas de grippe aviaire recensé en 2006 sur le territoire français, il a fallu attendre 2017 pour voir réapparaître ce virus. A priori propagé par des oiseaux migrateurs, les risques de contamination s’étendent de novembre à avril. Durant ces 6 mois, les volailles élevées en plein air ne doivent plus sortir. Sachant qu’une volaille fermière s’élève pendant 4 mois, elle ne verra donc jamais le jour. A moindre mal, cette année, une dérogation a été délivrée pour les bâtiments dont la surface ne dépasse pas 120 m2 ; nos poulets et pintades peuvent ainsi évoluer en extérieur, mais dans un espace deux fois plus petit qu’à la normale ». 

Beaucoup de questions !

« A savoir, les éleveurs de volailles travaillent tous avec les mêmes couvoirs, mais avec des souches de volailles différentes selon les modes d’élevage. En plein air, comme le nôtre, ce sont des souches rustiques et des volailles dynamiques qui ont besoin de galoper pour se développer. A ce juste titre, le confinement n’est-il pas un non-sens ? Ne favorise-t-il pas la contagion surtout en élevage industriel où les souches sont plus fragiles ? En batterie, la volaille ne sort pas et chaque intervenant extérieur doit respecter un protocole de nettoyage (douche, combinaison) avant de pénétrer dans les bâtiments, alors comment expliquer ces cas de contagion ? Dans la ventilation peut-être ? Tout vider pour sauver les reproducteurs, est-ce la solution ? »

Tout a basculé…

En Gâtine, le premier cas a été découvert le 28 février. Pour rappel, l’animal malade meurt très vite et ne contamine pas l’homme. Mais à partir de cette date, pour limiter la propagation, une zone de surveillance (communes situées à 10 km du foyer détecté) et une zone de protection (communes situées à 3 km) ont été définies. « Un vendredi après-midi de mars, un arrêté préfectoral est arrivé dans notre boîte mail listant une quarantaine de fermes contraintes d’abattre leurs volailles dans les 10 jours. Quelques semaines plus tard, un second mail recensait 215 autres fermes. Le cœur battant, à la recherche de notre nom, nous réalisions que ce n’était pas encore notre tour ». Cette angoisse permanente, ce stress pesant, cette épée Damoclès au-dessus de la tête, Aurélie le vit difficilement, mais reconnait sa chance d’éviter cet abattage préventif.

Tout s’organise…

« Pas de rentrée de poussins depuis le 28 février, les bâtiments se vident petit à petit, fin juin nous n’aurons plus rien ; on l’appelle le dépeuplement naturel, c’est mieux que le préventif. C’est Pâques, les visites vétérinaires hebdomadaires continuent de nous confirmer que tout va bien pour poursuivre notre activité, mais il nous faut trouver un plan B pour les mois à venir. La solution : commander des poussins qui vont être élevés sur une petite ferme comme la nôtre, mais hors zone de surveillance, avec l’espoir qu’ils puissent finir leurs jours à la Draunière. Les semaines passent, à la ferme le silence s’installe, nos dernières volailles seront abattues et commercialisées fin juin. Nous cesserons notre activité du 27 juin au 17 juillet. Restent les fermes situées en zone indemne pour continuer la vente, mais leur nombre ne suffira pas à combler le manque ni sur les marchés ni dans les magasins de producteurs ».

Et l’avenir, les enjeux ?

Le collectif « Sauve qui poule » déjà existant sur d’autres régions françaises s’est formé dès le mois de mars en Poitou et réunit environ 70 éleveurs et consommateurs du 79, du 86 et du 44. « Pas du tout soutenus par la Chambre d’agriculture, nous avions besoin de nous sentir écoutés et compris, de partager notre détresse face aux mesures qui nous semblent plus incohérentes les unes que les autres. Rejoindre ce collectif, soutenu par la confédération paysanne, nous permet d’exister, de nous exprimer. Premier grand rassemblement à Niort samedi 14 mai, notre pétition a obtenu 150 signatures. L’objectif est de faire passer des messages auprès du consommateur afin qu’il prenne conscience, entre autres, de la provenance de la viande qui va se retrouver dans son assiette les années à venir si les petits éleveurs ne sont pas défendus aujourd’hui ». Est-il envisageable de gérer de façon différente les petits élevages et les élevages industriels ? 

« Dans le contexte actuel, nous ne faisons plus notre métier, ce n’est pas comme ça qu’on souhaite travailler. Que devient l’avenir de cette filière ? Plusieurs éleveurs commencent à jeter l’éponge ».

Quelques chiffres

En France

  • 80% de reproducteurs proviennent du 79 et du 85
  • Près de 1 400 élevages ont été contaminés
  • 15 millions de volailles abattues

En Deux-Sèvres

  • 1er cas détecté en novembre 2021 
  • 49 cas recensés en mai 20221 million de volailles abattues
  • Le département vient de débloquer un million d’euros d’aide pour gérer cette crise.

Aurélie Piot, volaillère à Mazières-en-Gâtine interviewée le 16 mai 2022 sur son exploitation.

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